Le chat policier

Ce texte a été écrit pour le Journal Dans la Lune
publié par le Centre de Création pour l’enfance de Tinqueux
(à paraître en juin 2001)


Mais que se passe-t-il ce matin ? les portes claquent, on entend des cris, des pleurs… C’est la voix d’Alice. Que lui arrive-t-il donc ?

Douminou qui dormait tranquillement au creux de la couette a dressé les oreilles.

Il saute du lit d’un bond souple et se dirige vers la porte entrebaîllée. Les rideaux de la chambre sont encore fermés, la chambre baigne dans une douce lumière. Douminou s’étire, se lèche le bout de la patte droite, la passe sur son museau une ou deux fois.

Prudence.

Avant de franchir le seuil de la porte, tâchons de comprendre !

– On va la retrouver, dit la voix de maman.

De qui parle-t-elle ?

– Cumba… !dit la voix d’Alice toute chargée de sanglots. Cumba, ma Cumba !

Cumba a disparu ?

Douminou passe maintenant sa patte derrière son oreille. Lui aussi aime bien Cumba. En général, elle passe ses journées sur le lit d’Alice. L’après midi il va souvent se coucher sur ses genoux et c’est comme ça qu’Alice les trouve quand elle rentre de l’école, endormis tous les deux. Voyons, réfléchissons. Alice et Cumba se sont-elles disputées ? Non. Alice lui a-t-elle fait quelque méchanceté ? Non plus. Peut-être que Cumba s’ennuie, toute seule toute la journée, mais alors pourquoi avoir attendu la nuit pour se sauver ?

Dans la maison, l’agitation continue.

– Ca suffit maintenant, dit la voix plus grave de papa. Tu vas te préparer pour aller à l’école, on verra ça ce soir !

Les cris d’Alice redoublent.

Elle n’ira pas à l’école, elle ne mangera pas sa tartine, tant qu’on n’aura pas retrouvé Cumba !

– Tu vois bien dans quel état elle est. Ca ne sert à rien de se fâcher ; Aide-moi plutôt à chercher Cumba, dit la voix de maman.

Douminou, lui, réfléchit. Hier soir, il a fait la fête au jardin. La lune était pleine et brillait comme une perle sur le velours de la nuit. C’est le temps que les chats préfèrent. Dans l’air froid, presque glacé du printemps, ils aiment sauter sur le haut des murs, courir sur les toits et miauler à la vie. Si Cumba était sortie, elle n’aurait pas pu échapper au regard de nyctalope de Douminou… D’ailleurs – Douminou se lèche le flanc – il en est sûr, quand après sa folle nuit, il est venu se coucher au pied du lit, Cumba dormait dans les bras de son amie. il a reconnu sa chevelure noire et bouclée qui dépassait de la couette. Donc, au petit matin, Cumba était encore là.

Tout en poursuivant sa toilette et en lissant sa robe grise bien ajustée sur son corps mince, Douminou observe les alentours, la fenêtre est entrouverte comme toujours pour qu’il puisse aller et venir comme il veut. N’est-elle pas un peu plus entrouverte que nécessaire ? Comme si quelque chose ou quelqu’un de plus gros qu’un chat était passé… Après un grand baîllement qui découvre ses petites dents blanches et pointues et le délicat tissu rose de son palais, Douminou tourne le dos à la porte et se dirige vers la fenêtre. Sur la moquette chinés rose et gris, il remarque un poil noir, et un autre. Noir, pas gris.

Douminou a sauté dans le jardin, la rosée lui chatouille le nez, il éternue. Chaque brin d’herbe est comme décorée d’un minuscule diamant de lumière. Sauf deux ou trois qui ont perdu leur perle d’eau brillante. Comme si quelque chose ou quelqu’un était déjà passé par là… Douminou suit la piste sans rosée. Une fleur en creux est inscrite dans la terre du jardin, comme la trace d’une patte… Cette fois Douminou n’a plus besoin d’examiner le sol. Il fonce droit dans la niche de Pharaon.

Coumba est là, entre les pattes noires de Pharaon qui ronfle en dormant. Sa robe est un peu mouillée, il y a de la terre dans ses cheveux et son petit bras est tout baveux. Douminou pousse un miaulement de triomphe qui réveille brutalement le pauvre chien. Alice, sa mère et son père, affolés par les miaulements rauques de Douminou arrivent en même temps près de la niche.

Alice se jette sur Cumba et la serre dans ses bras.

– Ma poupée ! ma poupée ! répète-elle avec bonheur.

Pauvre Pharaon, comme il baisse le museau !

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